Un été en Toscane d'Elizabeth Adler

Gemma Jéricho, 38 ans, médecin urgentiste efficace et respecté, est une femme blessée par une histoire d'amour tragique. Elle ne trouve désormais de réconfort que dans les fantaisies adolescentes de sa fille Liwie et dans la délicieuse cuisine de sa mère, Nonna, nostalgique de son Italie natale. Un jour, Nonna apprend qu'elle est l'héritière d'une villa en Toscane. Sans hésiter, elle fait ses bagages et entraîne sa tribu dans son aventure. Mais la douceur de vivre italienne est vite troublée par une terrible déconvenue : la maison de Nonna a déjà trouvé acquéreur.

Extrait du livre :
Dans mon travail, je suis une sorte de capitaine de navire - seul maître à bord après Dieu ! En tout cas, c'est ce qu'on attend de moi, que je mène mon équipage à bon port.
Ce samedi soir, mon bâtiment tangue fortement, tous les téléphones sonnent sans interruption et mon biper ne me laisse aucun répit. La routine, en fait.
Les couloirs des urgences regorgent de familles en détresse, effondrées ou tournant comme des fauves en cage. Les blessés sont allongés sur de sinistres brancards ou assis sur de méchants fauteuils roulants à peu près aussi moelleux que s'ils étaient rembourrés de billes. Ma mission se résume à tout mettre en oeuvre pour que ces éclopés repartent d'ici sur leurs deux jambes, sinon gamba dant, du moins marchant, parlant et... en tout cas vivants.
C'est une nuit d'orage et il pleut des cordes. Ici, nous ne savons que trop bien ce qui se cache derrière ces deux mots, orage et pluie : quatre fois plus d'accidents, mortels généralement. La preuve : me voici devant le triste devoir de fermer pour l'éternité les paupières d'un jeune motocycliste.
Une heure durant, mon équipe et moi avons tenté tout ce qui était humainement possible pour le sauver. En vain, et je me retrouve ici, vaincue, parmi les éclaboussures de sang et les tubes en plastique jetés à même le sol, dérisoires témoignages de notre lutte acharnée pour arracher ce gamin à son destin. Je me sens couler à pic en le regardant : si jeune, si mignon avec ses cheveux blonds en hérisson, ses grands yeux bleus ouverts sur le néant... Quelle gâchis ! Il avait toute la vie devant lui... Il laisse une mère inconsolable, sans doute une petite amie en pleurs...
Je me répétais que j'étais médecin, que diable ! assez solide pour contrôler mes émotions en toute circonstance... et soudain je me suis éclipsée pour courir m'isoler au bout du couloir. Les portes de verre ont coulissé devant moi, je suis sortie respirer dans la nuit obscure.
La pluie s'écrasait sur le sol en crépitant comme une mitrailleuse avant de se changer en noirs ruis seaux. Je restais là, frissonnante, emplissant mes poumons de l'air glacé, m'interdisant de penser.
Petit à petit, mon coeur a cessé de battre au rythme d'une salsa effrénée. Et, comme un fait exprès, mon biper m'a sommée de retourner à mon poste.
- Ça ira ?